Andreï Erofeev

SOTS ART


« Le Sots Art, mouvement artistique le plus identifiable et spectaculaire en URSS à l’époque de Brejnev et de Gorbatchev, a transformé en profondeur l’art de son temps aussi bien que la conscience de la société jusqu’à influencer le contexte politique même. En inventant un « post-art » éclectique, il a su surmonter le modernisme. Les artistes du Sots Art ont appliqué les stratégies artistiques les plus osées de l’époque : l’appropriation, le pastiche, le jeu avec les notions d’idiotie et de fiasco, la performance comme moyen de provocation politique, la dissolution de l’auteur dans une suite de personnages fictifs. La puissance plastique de ces déclarations a ouvert la voie à la libération de l’esprit de l’homme soviétique de dogmes esthétiques et idéologiques communistes. Le Sots Art a ainsi préparé le fondement culturel à la dissolution à l’amiable du bloc soviétique. Il a été également le premier à prédire le retour du nouvel état russe vers une dictature, fondée sur la nostalgie de la grandeur impériale. » Andreï Erofeev, 2017

Andreï Erofeev est né à Paris en 1956 dans une famille de diplomates soviétiques. Diplômé de l’université d’état de Moscou en histoire de l’art à vingt-deux ans, il se spécialise sur le mouvement avant-gardiste russe de 1910 et obtient son doctorat en 1984. Egalement passionné d’architecture, il est chercheur à l’institut de recherche sur la théorie et l’histoire de l’architecture de Moscou entre 1982 et 1989. Parallèlement, à partir de 1983, il constitue la première collection d’art non-conformiste russe en URSS en vue d’en faire don à l’un des musées moscovites qui, à l’époque, ne sont pas autorisés à acquérir des œuvres de ce courant artistique. Le musée Pouchkine rejette la proposition de don de 300 œuvres. En 1989, en pleine Perestroïka, le ministère de la culture l’invite à déposer cette collection dans le musée national de Tsaritsyno.

Là, Andreï Erofeev est nommé à la direction d’un département « expérimental » de trois personnes pour travailler à la préfiguration d’un musée d’art contemporain alors inexistant en URSS. Avec son équipe, il organise nombre d’expositions de l’art non-conformiste en Russie et à l’étranger. Il crée le plus grand fond d’art contemporain non conformiste russe, stocké dans un bunker anti atomique et rassemblant plus de 2000 pièces : installations, objets, vidéos, ready-made, photographie plasticienne. Cette collection est présentée à la Galerie Tretiakov à Moscou qui ouvre en 2002 un département Nouvelles tendances dont Andreï Erofeev assure la direction jusqu’en 2008. Date à laquelle il est limogé en raison de son exposition Art interdit 2006 au Musée Sakharov en 2007, consacrée aux nouvelles formes de censure dans la Russie post-soviétique, et est attaqué en justice par l’extrême-droite nationaliste. Depuis il travaille en tant qu’expert, critique d’art, commissaire d’exposition en Russie et à l’étranger où il est reconnu depuis longtemps (cf son exposition SOTS ART. Art politique en Russie de 1972 à aujourd’hui à La maison rouge en 2007). En 2016, il est élu président de la section russe de l’association internationale des critiques d’art.

Entrée gratuite et ouverte à tous. Conférence organisée par les Amis du Printemps de septembre avec le concours de l’Institut supérieur des arts de Toulouse.

Lundi 27 février 2017 à 18h30 Institut supérieur des arts de Toulouse 5, quai de la Daurade 31000 Toulouse


INTRODUCTION A LA CONFERENCE D’ANDREÏ EROFEEV
PAR LAURE MARTIN

Bienvenue à toutes et tous. Je remercie Anne Dallant de nous offrir à nouveau l’hospitalité. Merci aussi à son équipe, en particulier David  Mozziconacci.

C’est un grand plaisir d’accueillir Andreï Erofeev, un ami de longue date, qui a joué un rôle-clé pour l’art non officiel russe dès le début des années 80.  

Andreï, tu as œuvré sans relâche, avec passion, opiniâtreté et une témérité jamais démentie pour la défense et la reconnaissance par les institutions culturelles d’un art non-conformiste en Russie, cela en dépit de pressions diverses, de menaces de mort et de procès intentés par des ultra-orthodoxes.

Né à Paris en 1956 dans une famille de diplomates soviétiques, tes premiers contact avec l’art se sont faits par la lecture des livres d’art Skira que ta mère collectionnait, à travers le festival d’art nègre de Dakar en 1966 au Sénégal où ton père était alors en poste ou encore en visitant en 1972 l’exposition ART 72  au Grand Palais qui réunissait soixante-douze artistes de la jeune génération. C’est à cette occasion que tu as découvert les Nouveaux Réalistes, Christian Boltanski et bien d’autres artistes encore.

Diplômé de l’université d’état de Moscou en histoire de l’art à vingt-deux ans, tu te spécialises sur le mouvement avant-gardiste russe de 1910 et obtient ton doctorat en 1984. Mais sans perspectives professionnelles dans la Russie de Brejnev, et également passionné d’architecture, tu deviens chercheur à l’institut de recherche sur la théorie et l’histoire de l’architecture de Moscou entre 1982 et 1989.

Parallèlement, ta fréquentation précoce et assidue d’artistes non officiels comme Erik Bulatov dont certains d’entre vous ont découvert hier des œuvres récentes à The Foundry, à Maubourguet prés de Tarbes, ou encore Ilya Kabakov avec lequel tu as de longues et enrichissantes conversations, affine ton regard.

En l’absence de tes parents, tu organises dès le début des années 80  des expositions d’un jour dans le grand appartement familial à Moscou. Tu commences aussi à constituer avec la complicité des artistes qui te confient leurs œuvres, la première collection d’art non-conformiste russe en URSS, en vue d’en faire don au Musée Pouchkine, les musées moscovites n’étant pas à l’époque, autorisés à acquérir des œuvres de ce courant artistique.

Las, Irina Antonova, la fameuse et inoxydable directrice du musée rejette ta proposition de don de 300 œuvres graphiques, tout en acceptant cependant, sur l’insistance de certains de ses collaborateurs, d’en garder un petit ensemble d’une quarantaine d’œuvres. Cette fin de non-recevoir ne te décourage nullement.

Les temps changent et, en 1989, en pleine Perestroïka, le ministère de la culture t’invite à déposer cette collection, alors étoffée, au musée national de Tsaritsyno et te nomme directeur d’un département « expérimental » pour travailler avec deux collaborateurs à la préfiguration d’un musée d’art contemporain alors inexistant en URSS. Avec ton équipe, tu organises nombre d’expositions de l’art non-conformiste en Russie, et à l’étranger, notamment  celle intitulée Vers l’objet  en 1989 qui est montrée en 1990 au Stedelijk Museum à Amsterdam.

Peu à peu, tu crées le plus grand fond d’art contemporain  non conformiste russe, un fond de plus de 2000 pièces qui est stocké dans un bunker antiatomique et constitué d’installations, objets, vidéos, ready-made, dessins.

Cette collection, enrichie de peintures, est enfin présentée  au public à la Galerie Tretiakov à Moscou à partir de 2002, avec l’ouverture d’un département Nouvelles tendances dont tu assures la direction jusqu’en 2008.

Date à laquelle tu es limogé en raison du tollé provoqué par  tes expositions Art interdit 2006 au Musée Sakharov, consacrée aux nouvelles formes de censure dans la Russie post-soviétique et SOTS ART à la Galerie Tretiakov que tu organises  en parallèle en 2007. L’extrême-droite nationaliste, avec laquelle tu as maille à partir depuis longtemps, t’attaque en justice.

Depuis, tu travailles en tant qu’expert, critique d’art, commissaire d’exposition en Russie et à l’étranger.

Ce soir, c’est précisément du SOTS-ART que tu vas nous parler. Mouvement artistique que tu définis comme le plus reconnaissable et spectaculaire en URSS à l’époque de Brejnev et de Gorbatchev,  qui a transformé en profondeur l’art de son temps aussi bien que la conscience de la société jusqu’à influencer le contexte politique même.

Thème que tu avais brillamment traité en 2007 à La maison rouge dans le cadre de l’exposition SOTS ART. Art politique en Russie de 1972 à aujourd’hui.

Merci d’avoir accepté notre invitation,  cher Andreï, et nous sommes toutes ouïes.