Joao Fernandes

OU SOMMES-NOUS MAINTENANT ? LES OEUVRES D’ART, LES LIEUX DE L’ART ET LE PUBLIC


« Dans un monde où les biennales et les foires d’art deviennent les nouveaux lieux d’une industrie globalisée de l’art, il est important de réfléchir au rapport à établir entre le public et les oeuvres dans les espaces où l’art est présenté, soit les espaces les plus conventionnels comme le musée, le centre d’art et la galerie, soit les lieux du monde que les artistes changent et redéfinissent à partir de situations spécifiques. Frantz Fanon disait que « le spectateur est un couard et un traître ». Aujourd’hui il est plutôt un touriste perdu dans un labyrinthe d’informations qui l’empêchent de connaître l’oeuvre d’art à partir d’une expérience singulière et de la radicalité d’une interprétation critique personnelle ».

Né en 1964 à Bragance, Joao Fernandes fait des études de linguistique et de lettres modernes à l’Université de Porto puis de Lisbonne. A partir de 1992, premier commissaire d’exposition indépendant au Portugal, il organise les Journées d’art contemporain de Porto ainsi que des expositions dans son pays et à l’étranger. En 2003, il assure, avec Vincente Todoli, le commissariat du Pavillon du Portugal à la Biennale de Venise. De 2003 à 2012, il est directeur du Musée d’art contemporain de Serralves à Porto après en avoir été le directeur-adjoint dès 1996.

Il est aujourd’hui le directeur-adjoint du Museo nacional de arte Reina Sofia à Madrid et vient d’intégrer le comité de programmation du Festival international d’art de Toulouse.


Dimanche 25 mai 2014 à 15 heures Auditorium Jean Cassou Musée d’art moderne et contemporain Les Abattoirs-FRAC Midi-Pyrénées 76, allées Charles de Fitte 31300 Toulouse 


INTRODUCTION A LA CONFERENCE DE JOAO FERNANDES
PAR LAURE MARTIN

Merci à toutes et tous d’être ici en ce jour de Fête des mères et d’élections.

Je remercie également, Olivier Michelon, le directeur du musée, de nous offrir à nouveau l’hospitalité.

Cher Joao, heureuse de t’accueillir à Toulouse, je saisis l’occasion de te remercier à nouveau, au nom des amis du festival qui ont participé à notre voyage à Madrid en février dernier, pour la brillante et passionnante visite que tu as nous as faite du museo d’arte Centro Reina Sofia, et en particulier, de l’exposition Formas biograficas conçue par Jean-François Chevrier.

Avant que tu nous parles d’une problématique qui te tient à cœur, l’évolution récente et significative des rapports entre l’œuvre et le public liée à la multiplication et à la diversité des lieux de présentation, à l’influence croissante sinon prédominante du marché de l’art et d’une culture de l’événement artistique globalisée, évolution qui t’amène à te poser la question de savoir comment il faut aujourd’hui, pour un responsable de musée, présenter les œuvres au public, j’aimerais évoquer rapidement ta singulière et atypique carrière.

Qui pouvait imaginer en effet que le jeune homme qui organisait dès ses 15 ans, à la fin des années 70, des événements musicaux à Lisbonne, dans le cadre du festival du Parti communiste, et qui, quelques années plus tard enseignait la linguistique à l’université de Porto puis de Lisbonne, deviendrait le directeur-adjoint d’un des musées majeurs d’art moderne du monde qui, ironie de l’histoire, porte le nom d’une reine.

Autre particularité, c’est que c’est ta passion pour la musique et la littérature qui t’a amené à découvrir l’art et finalement à y consacrer ta vie.

En effet, hier, sur une terrasse ensoleillée de la Place Saint Georges, tu me racontais que c’est en suivant les traces de Swan, personnage proustien par excellence, que tu es allé pour la première fois dans un musée voir les primitifs flamands et hollandais.

C’est donc par des chemins détournés que tu deviens le premier commissaire d’exposition indépendant au Portugal et qu’à la demande de la ville de Porto, tu crées et diriges pendant trois ans, à partir de 1992, les Journées d’art contemporain de Porto, qui fut le premier festival d’art contemporain du Portugal. Dans ce cadre-là, tu invites en 1993 Douglas Gordon qui conçoit, dans un palais en ruines attenant à une ancienne usine tout autant défraîchie, une installation remarquable qui marqua un tournant dans sa carrière.

Puis à partir de 1996, directeur-adjoint du Musée Serralves de Porto, le premier musée d’art contemporain portugais (installé dans une magnifique demeure XIXe, entourée d’un magnifique jardin, remaniée dans les années 20 avec une architecture intérieure et un mobilier dessiné par Ruhlman), tu travailles aux côtés de Vincente Todoli, son directeur auquel tu succèdes en 2003. Depuis 2012, tu es le directeur-adjoint du Museo de arte Reina Sofia où tu as organisé nombre d’expositions de référence dont celles de Hanne Darboven, Dominique Gonzalez-Forster et de Cildo Meireles, et où tu ouvriras en novembre, au Palazzo Velasquez, une rétrospective consacrée à Luciano Fabro.

Avant de te donner la parole, j’ajoute simplement qu’à l’invitation de Jean-Marc Bustamante, le directeur du festival international d’art de Toulouse, présent dans la salle et que nous remercions pour cette belle édition, tu es désormais membre du comité de programmation du FIAT, ce dont, personnellement, je me réjouis.